D'après une histoire vraie
D'après une histoire vraie
Delphine de Vigan
JC Lattès, 2015
484 p.
20 €
Ma note : 18/20
Présentation éditeur
« Ce livre est le récit de ma rencontre avec L.
L. est le cauchemar de tout écrivain.Ou plutôt le genre de personne qu’un écrivain ne devrait jamais croiser.»
Mon avis
Après le succès de son dernier roman, dans lequel elle évoque l'histoire de sa mère, Delphine est assaillie de questions de lecteurs concernant la part de "vrai" de son livre, voire de l'ensemble de son oeuvre littéraire. Elle s'interroge alors sur cette obsession du lecteur de savoir jusqu'à quel point ce qu'il lit est l'exact reflet de la réalité, jusqu'où l'auteur va piocher dans son vécu pour écrire une histoire, qu'elle se revendique comme étant autobiographique ou non. Sa rencontre avec L., qui, en tant que nègre, écrit pour les autres, va la pousser encore plus loin dans sa réflexion sur l'écriture, jusqu'à la déstabiliser complètement.
La mise en abyme de l'écriture dans ce roman qui nous interroge sur la frontière entre le "vrai" et le fictionnel est passionnante ! Non seulement le narrateur réfléchit sur son travail d'auteur, mais l'auteur joue lui aussi avec son lecteur jusqu'à la dernière page : quelle est la part de vrai dans ce roman que nous sommes en train de lire ? Delphine de Vigan a-t-elle réellement rencontré L. ? Leur relation toxique est-elle vraie ? Même le titre nous inciterait à le croire.
J'ai adoré cette thématique qui m'a renvoyée à mes propres expériences de lectrice, et même de spectatrice : j'ai un besoin viscéral de savoir quelle est la part de vérité / romancé quand il s'agit de romans / films historiques et me sens trahie quand le pacte n'est pas respecté.
J'ai frôlé le coup de coeur, qui n'en sera pas un à causes de quelques longueurs dues à des répétitions, mais ce thriller, qui n'est pas sans rappeler Misery de Stephen King (auquel l'auteur fait ouvertement référence), va me hanter encore quelques temps...
D'après une histoire vraie a reçu le Prix Renaudot 2015 et le Prix Renaudot des Lycéens 2015.
"J'étais d'humeur maussade quand je suis sortie du café. C'était donc ... vrai, voilà ce que les gens attendaient, le réel garanti par un label tamponné sur les films et sur les livres comme le label rouge ou bio sur les produits alimentaires, un certificat d'authenticité. Je croyais que les gens avaient seulement besoin que les histoires les intéressent, les bouleversent, les passionnent. Mais je m'étais trompée. Les gens voulaient que cela ait lieu, quelque part, que cela puisse vérifier. Ils voulaient du vécu."
"Nous sommes tous des voyeurs, je vous l'accorde, mais au fond, ce qui nous intéresse, nous fascine, ce n'est peut-être pas tant la réalité que la manière dont elle est transformée par ceux qui essayent de nous la montrer ou nous la raconter. C'est le filtre posé sur l'objectif. En tout cas, que le roman soit certifié réel ou non ne le rend pas meilleur."
"A l'âge adulte, l'amitié se construit sur une forme de reconnaissance, de connivence : un territoire commun. Mais il me semble aussi que nous recherchons chez l'autre quelque chose qui n'existe en nous-même que sous une forme mineure, embryonnaire ou contrariée. Ainsi, avons-nous tendance à nous lier avec ceux qui ont su développer une manière d'être vers laquelle nous tendons sans y parvenir."